
LE BIO DANS TOUS SES ÉTATS
Fermeture de magasins, baisse des ventes, crise de confiance ...la filière du bio est dans la tourmente d’après les dernières études. Les enseignes de Fontenay sont plus contrastées.
Le bio va-t-il mangé son pain blanc ? Après des années de croissance à deux chiffres, la filière pique du nez avec un recul en 2021 de 3,9 % dans les grandes surfaces et de 7,4 % en 2022. Les enseignes spécialisées ne sont pas épargnées. L’inflation pousse les consommateurs à faire des arbitrages. De plus, le rapport coût / bénéfice du bio est remis en question. La concurrence de produits non bio mais avec des labels qualitatifs détournent les consommateurs de l’original. La baisse des ventes, la crise de confiance, les fermetures de magasins et les faillites d'agriculteurs qui se sont convertis au bio au moment où la demande a commencé à diminuer assombrissent le tableau. Les aides « anti crise » de 166 euros par ferme bio, de la part de l’État, ne changeront pas la donne.
Fontenay connait-elle aussi un désamour pour le bio ? Le tableau local est plus nuancé. Au Happy Bio, rue Mauconseil, l’heure n’est pas à la crise. « Nous avons une clientèle fidèle du quartier, qui vient pour de petits réassorts, et même si elle se porte maintenant sur les articles les moins chers entre deux choix similaires, elle continue d'acheter », constate Yogathasan Rasan, le vendeur. « Comme je ne surconsomme pas, je peux m’offrir ce dont j’ai besoin », confirme Audrey qui a des envies d’abricots. L’ambiance est plus morose au restaurant et épicerie fine O’P’tit marché de Maëva, rue Dalayrac. Tout est préparé sur place, à partir de produits bio ou proches. « Le beurre et la farine ont flambé, mais il est impossible de répercuter ces augmentations sur nos plats », explique Maëva, la fondatrice. En plus de l’inflation, la fréquentation a diminué en raison des ponts du mois de mai. « Nous avons lancé une formule entrée-plat-dessert attractive pour reconquérir notre clientèle », ajoute-t-elle.
UN CONTEXTE DIFFICILE
Mahrel Ait Ali, le gérant du Naturalia rue Jean-Jacques Rousseau, affirme que les caddies à 300 euros, c’est fini. « Notre chiffre d’affaires ne plonge pas, il est stable », précise-t-il. L’huile et les paquets céréales ont pris plus de 15%, certaines viandes 25 %. « Les gens en achètent moins, attendent nos promotions, décalent leurs achats, et ils auscultent tous leur ticket de caisse. » À Biocoop de la place des Rigollots, entreprise engagée dans l’économie sociale et solidaire (ESS) depuis 2015, on ne cache pas la réalité. « Nous avons enregistré une baisse de 10 % de notre chiffre d'affaires en 2022, et encore une baisse de 5 % depuis le mois de janvier », précise Samuel Gérard, le gérant de cette coopérative à intérêt collectif. Il réduit ses marges pour soulager les consommateurs sans étrangler les producteurs. « Je m’inquiète pour les fournisseurs de lait, de viande et les maraichers, certains envisagent de revenir à l’agriculture conventionnelle. »
En revanche, la tension sur le bio n’affecte pas Bulles de vie. « En tant que Scop, nous n'avons pas d'actionnaires à rémunérer. Nous nous approvisionnons directement auprès des producteurs, chaque euro gagné est réinvesti dans l'entreprise et nous réduisons les prix des articles dès que possible », explique Antonin Ducret, co-gérant du magasin boulevard de Verdun. Son autre atout, une clientèle de consom’acteurs, fervents partisans de ce modèle. La tonalité est similaire à l’Amap Champs libres. « Nous comptons 70 adhérents et d’autres sont en liste d’attente, attirés par un modèle de relations équitables avec l’agriculteur que nous rémunérons à l’avance pour des paniers de légumes bio, dont il a fixé les prix en septembre dernier », rappelle Patrick Créach, le président de l’Amap. Le bio ne manque pas de résilience, ni de défenseurs.