
TRÈS CHER TOIT !
Peut-on encore se loger à Fontenay ?

Malgré une politique volontariste en matière de logement, Fontenay n’est pas épargnée par la crise nationale de ce secteur. Il devient de plus en plus difficile de se loger en ville, dans le public comme dans le privé.
« Cette vue je ne m’en lasse pas! » glisse Sophie du haut de son balcon de la grande tour de La Redoute. Elle nous confie même pouvoir y observer, lors de la fête du 14 juillet, une bonne cinquantaine de feux d’artifice. Bénévole à l’espace de vie sociale situé juste en bas, cette habitante vit dans le quartier depuis plus d’une vingtaine d’années. Sophie s’y sent bien : « La plupart du temps, les voisins se disent bonjour, au revoir, se tiennent la porte. » Son appartement, perché au 21e étage, fait partie des 7 486 logements publics existants sur la commune. Engagée depuis plusieurs années en faveur de leur construction, la municipalité atteint aujourd’hui 32,69 % de parc public. Malgré cet effort, le logement connait actuellement une crise nationale qui n’épargne par Fontenay. Il devient de plus en plus difficile de s’y loger…
DE PLUS EN PLUS DE DEMANDEURS
Les chiffres du dernier rapport de la Fondation l’Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France parlent d’eux même : 333 000 personnes sont aujourd’hui sans domicile (il y en avait 143 000 en 2012). En 10 ans, cela représente presque 200 000 de plus. Le rapport alerte sur une « bombe sociale du logement qui a explosé » avec 2,4 millions de ménages en attente d’un logement public en 2022 (il y en avait 2 millions en 2017). Comme pour le national, ces chiffres sont en augmentation à Fontenay. « Actuellement, on totalise 4 200 demandes actives sur le fichier communal. Le logement public est saturé avec un délai de 7 ans pour en obtenir un sur le contingent ville. Les gens se découragent. Ils se tournent vers le privé, mais n’ont pas toujours les moyens financiers d’y accéder, mais ils sont prêts à accepter n’importe quoi et pas toujours dans les meilleures conditions pour eux », décrypteIsabelle Rodrigues, responsable du service Logement.
TROP CHERS
Sur Fontenay, les prix des locations dans le privé varient selon les quartiers : « Côté RER Fontenay sous Bois, il faut compter 830€ pour un 2 pièces, 1150€ pour un 3 pièces et 1 500€pour un 4 pièces. Vers RER Val de Fontenay, les prix sont plus bas: environ 750€ pour un 2 pièces, 1050€ pour un 3 pièces et 1300€ pour un 4 pièces. Depuis la crise du Covid, les propriétaires souscrivent quasi systématiquement aux assurances de loyers impayés: celles-ci demandent que le locataire soit en CDI confirmé et qu’il gagne 3 fois le montant du loyer », détaille l’équipe de l’agence immobilière BSI. Avec la flambée des prix et des taux de l’immobilier, les acheteurs modestes ne parviennent pas à trouver des biens à Fontenay et les locataires galèrent à se loger à des prix abordables. Julien*, un quadragénaire qui cherche un appartement en ville, témoigne : « Il me fallait un F4 pour y vivre avec mes deux enfants mais les prix des loyers et charges sont trop élevés. Il faudrait que je gagne environ 4 000€. Je dois donc m’éloigner de Fontenay, ou rogner sur des m2. » Que ce soit dans le public ou dans le privé, les logements les plus recherchés sont des petites surfaces (1 à 2 chambres). C’est également ce type d’habitation le plus loué sur AirBnB. « On recense actuellement environ 300 annonces sur la plate-forme. On constate que de plus en plus de biens sortent du parc locatif pour passer à de l’activité touristique. Ce qui fait moins d’offres sur la ville pour se loger », complète Samantha Samba Bandza, en charge du parc locatif privé au service Habitat. Et malgré ce que l’on pourrait croire, les prix des loyers dans le public ne sont pas si accessibles. « Bien que la ville continue d’intégrer du logement public dans les nouvelles opérations immobilières, le compte n’y est pas. Les bailleurs répercutent sur ces logements neufs, le coût du foncier, ainsi que celui du désengagement de l’État qui a fait compenser, notamment, la baisse des APL par les bailleurs, et qui a réduit les financements pour la construction de logements publics. C’est ainsi que peuvent être proposés des 3 pièces avec des loyers à 1 400€qui ne trouvent pas preneurs chez les demandeurs de logement public, car bien trop chers. Dans le parc existant, les prix des charges augmentent: par exemple à La Redoute, des locataires avec des loyers hors taxes à 438€ se retrouvent à payer 721€ TTC pour un logement de type T3. Les personnes aux revenus les plus modestes n’arrivent plus ou presque plus à se loger, la situation est plus qu’inquiétante », observe la responsable du service Logement.
UN TERRITOIRE INÉGAL
Autre problématique à laquelle la ville se heurte : le territoire. La collectivité est rattachée à Paris Est Marne et Bois. Dans son regroupement 10 villes sur 13 ne respectent pas la loi Solidarité renouvellement urbain (SRU) qui impose aux communes urbanisées de 20 à 25 % de logements publics. « Par exemple, les chiffres de 2023 indiquent que Vincennes est autour de 12 %, Le Perreux, 13 %, Saint-Maur, 10 %... Au total, le territoire Paris Est Marne et Bois, totalise 22,62 % de parc public, en dessous du seuil réglementaire des 25 % », complète Mme Rodrigues. Du coup, les demandes de logement public des villes alentours se répercutent sur Fontenay. La commune est une des rares villes à avoir gardé un guichet ouvert à la population. En 2022, celui-ci comptabilise 2 906 accueils physiques, 6 010 appels et 5 644 courriers. Le service Logement accueille les demandeurs, et même ceux en-dehors Fontenay, tous les jours de la semaine, sans rendez-vous. « Parfois des gens arrivent excédés car ils se trouvent dans des situations très compliquées, et sans réponses. Nous sommes les seuls à les accueillir, sans condition préalable, à leur donner des informations. Par exemple, on leur explique que sur la totalité du parc public, la commune, qui n’est pas propriétaire mais réservataire des logements auprès des bailleurs, ne dispose que de 20 % du contingent. Le reste se réparti avec 40 % pour Action Logement (anciennement 1 % patronal), 30 % pour la préfecture et 10 % pour d’autres organismes », précise Mme Rodrigues.
Pour répondre aussi aux problématiques des logements privés, la ville a également mis en place un poste dédié afin d’accompagner les propriétaires dans la rénovation de leurs logements suite à la nouvelle réglementation encadrant le diagnostic de performance énergétique (DPE).
*Le prénom a été changé