
LE VRAI DE LA FAUX
Hier mise au rebut, la faux retrouve des couleurs grâce aux nombreux avantages qu’offre le fauchage manuel, sur le plan écologique et économique. Les jardiniers de la ville l'ont testée. Pour mieux l’adopter ?
Non, ce n’était pas un rassemblement d’Amish ni de nostalgiques de la lampe à pétrole qu’ont observé, intrigués, des badauds sur le rond-point Charles-de-Gaulle le 14 octobre dernier. Et pourtant, en voyant ce matin-là une dizaine de jardiniers de la ville manier à tour de rôle une authentique faux pour scalper la prairie fleurie débordante de cosmos, on aurait pu s’imaginer projetés un siècle en arrière. Pas de tondeuse pétaradante et malodorante ni de débroussailleuse bruyante. Seuls les décibels de la circulation parvenaient à couvrir le son sec et étouffé de la lame d’acier tranchant les tiges des végétaux, et le bourdonnement de quelques bourdons dérangés en plein butinage.
OUTIL ANCESTRAL
La parcelle d’environ 300 m² a subi un assaut inédit par la nature de l’outil employé. Pour les jardiniers de l’équipe, c’était une première. Ils le doivent à leur collègue, Philippe Defoort. Cet élagueur s’est pris d’amour pour cet outil ancestral des paysans et les a convaincus de se prêter à l’expérience. La matinée a été consacrée à un cours pratique de découverte et de prise en main de l’engin, exercice à l’appui. « La faux avait été remplacée dans les campagnes au milieu du XXe siècle par les moissonneuses, mais on redécouvre aujourd'hui ses avantages », rappelle son ambassadeur fontenaysien. « Son emploi est 100 % économique et écologique car la faux ne consomme pas d'énergie, ne nécessite pas d'équipement de protection. Elle ne pollue pas, est écologique, silencieuse, légère, d'un maniement simple et son entretien est basique », énumère-t-il. « C’est physique, ça tire dans les bras, mais on est plus attentif à ce qu’on fait, on sent l’odeur de l’herbe coupée, l’environnement est plus calme, c’est une manière plus consciente de travailler et aussi de se reconnecter à la nature », assure Marie-Aude. Un faucheur confirmé peut couvrir en moyenne 500 m² par heure, et sans grand effort une fois le geste bien maîtrisé.
Saviez-vous que la faux est également un grand ami de la faune et de la flore ? « Elle ne broie pas comme une tondeuse, alors les animaux ont le temps de quitter la zone où l’on intervient », abonde Mickael Maisonneuve, le chef d’équipe. Ajoutons qu’une herbe fauchée se composte mieux que des déchets de tonte compactés. Séchée, elle constitue un excellent paillage. La partie laissée au sol favorise le réensemencement des graines et sert de buffet garni aux insectes.
« On ne peut pas généraliser son emploi, mais par exemple, pour gérer les prairies fleuries de plus en plus nombreuses à Fontenay, faire de l’engrais vert, débroussailler un périmètre laissé en friche, entretenir un petit pré, créer des chemins d’accès, la faux complèterait avantageusement les moyens mécanisés », soutient Philippe Defoort. Il assure qu’elle ferait merveille dans la gestion différenciée de l’écoparc des Carrières, sur le talus abrupt des grands chemins ou sur le talus Joffre. En tout cas, son utilisation s’inscrit pleinement dans la stratégie pour la biodiversité que la ville met en œuvre pour l’entretien et la gestion des espaces publics, respectueuse des espèces, des habitats et donc des milieux. L’instrument a toute sa place aux côtés d’autres bonnes pratiques en vigueur telles que le fauchage tardif des espaces verts, la plantation de haies sèches où se réfugient les oiseaux, les zones de compost, le bêchage à la grelinette qui préserve les micro-organismes dans la terre, le choix de plantes moins gourmandes en eau ou le paillage généralisé des massifs. La réflexion est en cours.