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Égalité entre les femmes et les hommes au travail : qu'en pensez-vous ?

Où en est-on de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail ?
« Alors que je passais un entretien pour travailler dans une boutique, le recruteur m’a posé des questions très invasives. Il m’a notamment demandé si je prévoyais d’avoir un enfant, d’être enceinte… C’était clairement une discrimination à l’embauche », témoigne Valentine. Depuis le 13 juillet 1983, soit 41 ans après la loi Roudy réaffirmant le principe d’égalité dans les tous les champs professionnels, c’est-à-dire la rémunération, le recrutement, la formation et la promotion, force est de constater que les discriminations persistent…
NOMBREUX FACTEURS
C’est l’un des chiffres mis en avant depuis que la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le 8 mars, est médiatisée : l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Si, selon les sources et les méthodes de calcul, ce dernier varie, prenons celui avancé, pour le secteur privé, par l’Observatoire des inégalités publié en décembre 2023 : « Tous temps de travail confondus (temps partiels et temps complets rassemblés), les salaires féminins valent en moyenne 75,6 % des salaires masculins selon les données 2021 de l’Insee. Les femmes touchent donc 24,4 % de moins que les hommes. » Toujours selon ces données, les Fontenaysiennes ne sont pas épargnées par cette inégalité. Toutes catégories socioprofessionnelles confondues, les femmes touchent en moyenne 2,5 € de moins en salaire horaire net que les hommes. Un écart encore plus grand chez les cadres : 5,3 €. « Ces inégalités découlent de nombreux facteurs, selon Clémentine Bretagnolle, responsable du service Droits des femmes-Égalité de la ville. Par exemple, le fait que les femmes sont plus souvent à temps partiel, ce qui provoque plus de précarité et a des conséquences sur leur carrière. » D’après l’Oxfam, les femmes occupent 76 % des emplois en temps partiel en France que ce soit parce qu’il est attaché au poste occupé soit parce qu’elles s’occupent de leurs enfants ou de leurs parents. « On ne peut pas dissocier le monde professionnel du reste de la société, d’après Aude Leroy, présidente du comité local de Femmes Solidaires. Le manque de moyens de garde d’enfants pour permettre aux femmes de conserver un temps complet si elles le souhaitent ou l’inégale répartition des tâches au sein du couple(ndr: d’après l’Insee, 80% des femmes consacrent plus d’une heure par jour au travail domestique contre 36% des hommes) ont un impact négatif. » De plus, les revenus de l’homme étant plus élevés dans 3 couples sur 4, le choix du maintien de l’activité se porte le plus souvent sur ce dernier. Afin de lutter contre ces inégalités en tant qu’employeur, la mairie a mis en place en 2021 un plan d’actions pluriannuel : « Certaines actions étaient déjà menées,détaille Mme Bretagnolle. Il vise à travailler sur cinq axes: favoriser l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle (par exemple en proposant quand cela est possible des horaires aménagés plutôt que des temps partiels), l’évaluation et le traitement le cas échéant des écarts de rémunération, la sensibilisation des agents, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail ainsi que l’égal accès des femmes et des hommes aux corps, cadres d’emplois et grades de la fonction publique. »
CHANGER DE REGARD
Les écarts de salaires reflètent également une disparité persistante dans l’accès à l’emploi. En effet, alors que l’Insee révèle que « accéder aux 3 % d’emplois les mieux rémunérés est deux fois plus probable pour un homme que pour une femme », ces dernières sont majoritaires dans de nombreux métiers peu rémunérateurs mais pourtant reconnus comme essentiels : citons les professions intermédiaires de la santé et du travail social, les professeures des écoles, ou encore les agentes d’entretien. « Si demain, nous nous arrêtions de travailler, qui s’occuperait de vos parents dans les Ephad? Qui enseignerait à vos enfants? Comment le directeur de Carrefour ferait ses profits?interroge Barbara Filhol, représentante syndicale CGT du groupement des Ephad publics du Val-de-Marne. Les métiers majoritairement exercés par des femmes sont vus comme naturels: on transposerait simplement ce qu’on fait à la maison dans le cadre professionnel. Ainsi, on ne reconnait pas nos qualifications, nos diplômes, nos savoir-faire et, donc, il n’y a pas de reconnaissance dans la rémunération: aujourd’hui par exemple, une infirmière cadre ne peut pas vivre de son salaire. » L’égalité passerait donc par un changement de regard sur ce que font les femmes ainsi que sur ce qu’elles peuvent faire. Si le service Droits des femmes, ainsi que des associations comme Femmes Solidaires assurent des interventions en milieu scolaire afin de lutter contre les stéréotypes, force est de constater qu’ils persistent encore : « On nous demande de faire davantage nos preuves, comme si nous n’étions pas assez fortes ou moins intelligentes », affirme Juliette*, agente immobilière. « Alors que je suis cheffe de projet, il n’est pas rare qu’en réunion des personnes extérieures me prennent pour la secrétaire », illustre Sarah*.
D’ici 2027 les entreprises devront, notamment, atteindre un objectif minimal de 30 % de femmes cadres dirigeantes (40 % en 2030). Cependant, encore faut-il que les femmes se sentent à leur place et en sécurité dans leur espace de travail pour pouvoir y évoluer. « Lorsque je travaillais dans un hôtel, mes collègues hommes avait fait un concours pour savoir lequel arriverait à me draguer », nous dit Valentine. « Un collègue me faisait souvent des remarques déplacées sur ma façon de m’habiller, se désolait par exemple que je porte un pull qui cache mes formes. Il me draguait lourdement, me disait que ce n’était pas gênant si j’avais un copain… Quand j’en ai parlé à ma directrice, elle m’a signalé que ce que je prenais pour de la lourdeur, était en fait du harcèlement. Elle n’a pas laissé passer cela et je l’en remercie », témoigne Nina*. D’après le Haut conseil à l’égalité, 75 % des femmes déclarent avoir été confrontées à des « blagues » sexistes au travail. Une sur trois déclare avoir vécu du harcèlement sexuel au travail. Des associations telles que Femmes solidaires, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail ou des structures telle que le service Droits des femmes de la ville peuvent accompagner celles qui le souhaitent. « Beaucoup ne veulent pas dénoncer par peur de ne pas être crues, d’êtres freinées dans leur carrière ou de perdre leur emploi », explique Aude Leroy. La loi interdit les sanctions à l’encontre des victimes et témoins de harcèlement. « L’employeur est responsable de la sécurité de ses employées et peut donc être mis en cause s’il n’agit pas », rappelle Clémentine Bretagnolle. Avant de résumer et conclure : « il faut sortir des injonctions individuelles sur les femmes, du fameux "quand on veut on peut": l’égalité au travail, comme dans tous les domaines, est un enjeu collectif. »
POUR ALLER PLUS LOIN :
Service Droits des femmes-Égalité : droitsdesfemmes@fontenay-sous-bois.fr
Femmes solidaires Fontenay :femmessolidaires.fsb@free.fr ou 01 48 77 21 16.
Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail :avft.org ou contact@avft.org ou 01 45 84 24 24.