
LES BUS ENTRENT EN GARE
Comment le service de bus va-t-il évoluer, à Fontenay, ces prochains mois ? On fait le point…
Val-de-Fontenay, 17h30. C’est le rush. Pour rentrer chez elles après une journée de travail ou d’études, des centaines de personnes entrent et sortent de la gare, l’une des plus fréquentées d’Île-de-France avec ses 115 000 voyageurs quotidiens dont 15 500 à l’heure de pointe du matin. Si le cœur de ce système demeure le RER, ses artères pourraient être les sept lignes de bus qui s’arrêtent à la gare routière. Beaucoup courent dans l’espoir d’en attraper une. Pas de chance pour certains : le véhicule est bondé, impossible de monter. Ce soir, c’est le cas de Valérie qui devra laisser passer un 118 : « J’ai pourtant fait changer mes horaires! Avant, je finissais à 17h mais j’ai renoncé: entre les collégiens, les lycéens et les travailleurs, c’était pire! Là, ça va, le prochain est dans 3 mn mais dès qu’il y a un problème, notamment sur le RER, c’est le bordel! Il faudrait un renfort de bus aux heures de pointe et une meilleure coordination en cas d’incident. » Son de cloche similaire du côté de Marion : « Aux heures de pointe, la fréquence n’est pas suffisante, il y a trop de monde! Ce matin, j’ai dû attendre 10 mn! » Émilie tempère : « Je fréquente souvent le 118 et parfois le 301. Même si, aux heures de pointe c’est compliqué, notamment à cause du manque de clim’ l’été, et qu’un peu plus de régularité serait bienvenue, le 118, ça va. Mais, il y a trop peu de 301 (jusqu’à 40 mn d’attente!) et il est souvent en retard. » Quelques pas plus loin, une autre ligne emblématique de Fontenay, la fameuse ligne rose : le 124, dont l’écran indique ce soir une « information indisponible ». Là, les avis divergent. « Il n’est jamais à l’heure, si bien que souvent je préfère prendre le scoot’ », nous dit l’un. « Même si j’aimerai qu’ils en mettent plus aux heures de pointe, je trouve que ça va », répond l’autre. « Je trouve qu’il y a de plus en plus d’attente, surtout le soir et le week-end », complète une dernière.
RESTRUCTURATION DU RÉSEAU
Afin de tenter de répondre à certains de ces problèmes, une restructuration du réseau des bus par Île-de-France Mobilités est attendue pour le mois d’avril 2024. « Celle-ci s’inscrit dans le cadre de l’arrivée de la ligne 11 du métro à Montreuil, présente Julien Landau, responsable Planification urbaine et Transports pour la direction du Développement urbain de la ville. Et, parmi les lignes impactées par ce nouveau pôle de desserte, plusieurs parcourent le territoire de Fontenay. » L’une des plus grandes nouveautés sera, à n’en pas douter, la ligne 116. En effet, depuis Champigny, celle-ci devrait desservir Les Alouettes, Val-de-Fontenay, les Olympiades, l’avenue Rabelais, le boulevard de Verdun pour, ensuite, aller vers Montreuil. « C’est une demande de Fontenay depuis 2014,revient Yoann Rispal, conseiller municipal délégué aux Transports collectif et au Pôle gare. Cela représente une réelle amélioration pour les usagers. D’abord parce qu’on crée ainsi une liaison qui n’existait pas en desservant de nouveaux équipements tels que la médiathèque, le lycée Michelet ou, encore, le collège Curie. Ensuite, cela permettra de décharger un petit peu le 124 avec une offre alternative pour La Redoute depuis Val. Pour les Fontenaysiens c’est, également, un accès à la ligne 11 du métro ainsi qu’au tramway T1. » À Val et aux Alouettes devrait, également, apparaître le 145 qui permettra de se rendre à Pantin en passant par Le Perreux, Neuilly et Rosny. Enfin, le 118 et le 124 seront également impactés. Alors qu’aujourd’hui, c’est le 118 qui, après Val, continue sa route vers Rosny 2, c’est le 124 qui, à partir d’avril, devrait assurer cette partie du trajet.
MANQUE DE CONDUCTEURS
Si, dans le domaine des bus, ce sont Île-de-France Mobilités et la Ratp qui détiennent le pouvoir décisionnaire, « la ville est un interlocuteur privilégié pour faire part des attentes des usagers. Notre objectif est de permettre aux habitants de se déplacer grâce à un réseau de qualité et de proximité », appuie Julien Landau. « Nous continuons de nous battre pour améliorer le quotidien des usagers avec, par exemple, le prolongement de la ligne 210 aux Rigollots pour décharger le 118 ou, encore, pour qu’une nouvelle ligne soit créée pour desservir la ligne de crête, renchérit Yoann Rispal. Nous demandons, également, le renfort des lignes existantes ». Cependant, des obstacles se dressent sur la route des bus. « La fréquence du 124 a été renforcée ces dernière années,poursuit M. Rispal. Or, cela ne se voit pas forcément pour les usagers à cause d’une pénurie de conducteurs. Les moyens nécessaires ne sont pas débloqués pour leur garantir de bonnes conditions de travail. » Des propos confirmés par Cémil Kaygisiz, machiniste et secrétaire général de la CGT Ratp-Bus : « Nous exerçons déjà un travail pénible avec, notamment, des horaires décalés comprenant beaucoup de soirs, de nuits, de week-end et des journées très longues. Mais, ces derniers temps, les conditions de travail se sont encore dégradées avec, par exemple, la suppression de six congés. Le salaire ne suit pas et ne suffit plus à subvenir aux besoins. Dans ces conditions, beaucoup démissionnent, les burn-out se multiplient et la Ratp n’arrive pas à recruter. Le service se dégrade et les usagers s’en prennent aux chauffeurs: une hausse de 28 % des agressions ont été constatée en 2022. Nous sommes dans une course au profit, à la rentabilité dans l’optique de la privatisation des bus: nous passons du droit public au droit privé en revenant sur nos acquis sociaux. » Au 1er janvier 2025, par décision d’IDF Mobilités, les services de bus et tramway doivent s’ouvrir à la concurrence via la loi d’Orientation des Mobilités. En plus de mettre fin au contrat qui liait la Ratp et Fontenay pour assurer La Navette (lire À Fontenay de septembre), cette décision implique la division des bus jusqu’ici gérés par la RATP en lots. Par exemple, Fontenay comptera quatre lots différents et ses lignes de bus pourraient être gérées par différentes entreprises. « Nous sommes très inquiets à la fois pour les salariés et pour les usagers: dégrader les conditions de travail, c’est dégrader les conditions de voyage,d’après Yoann Rispal. Nous allons perdre en clarté ainsi qu’en proximité et les transports vont devenir un bien qu’il va falloir rentabiliser au détriment du service fourni. IDFM justifie cela par la recherche d’économies mais, d’une part l’expérience dans d’autres régions et d’autres domaines a montré que cela n’était pas vrai et, d’autre part on fait tellement d’économies que, pour les usagers, le Pass Navigo n’a jamais coûté aussi cher… »