
COUP DE CHAUD SUR LE SKI
Face à l’urgence climatique et environnementale, aux hivers plus doux et à la diminution de la ressource en eau dans les montagnes, les vacances aux sports d’hiver ont-elles encore un sens et un avenir ?
Combien de Fontenaysiens dévaleront les pistes ski à Noël ou pendant les vacances de février ? De son côté, la ville propose des séjours vers cinq destinations dans les Alpes. Actuellement, seulement 8 % des Français choisissent la montagne comme lieu de villégiature en hiver. Mais cette industrie génère 10 milliards d'euros de revenus et 120 000 emplois directs et indirects. Où ira-t-on skier en 2023 et 2024 ? Certainement dans l'une des 250 stations de l'hexagone, dont le massif alpin, le premier domaine skiable du monde. Cette situation découle du « Plan neige » des années 60, qui a vu la construction intensive de stations, y compris sur des sites vierges.
HIVERS PLUS DOUX
Y aura-t-il suffisamment de neige à Noël et en plein hiver pour le planter de bâtons ? Cela rejoint les inquiétudes des scientifiques qui sonnent l'alarme depuis des années. L'urgence climatique et environnementale s’impose : d'ici à 2050, l'enneigement dans les Alpes pourrait chuter d'environ 40 % en raison des hivers plus doux. Rappelons qu'à la fin de décembre 2020, la moitié du domaine skiable français était fermée faute de neige. L'enneigement a reculé en moyenne de 30 jours depuis 1960. Actuellement, 45 % de la neige sous les spatules est de « culture », ce qui entraîne une consommation excessive d'eau, sans pour autant garantir une couche de neige suffisante en saison. Les canons à neige nécessitent des températures proches de 0 °C pour entrer en action, mais les prévisions indiquent une augmentation de 1 à 4 °C d'ici à 2050. On estime qu'avec + 2 °C de la température, 40 % des stations alpines ne seront plus rentables.
Près de 110 stations, principalement de moyenne altitude, seraient particulièrement menacées, car elles sont plus sensibles aux variations naturelles de l'enneigement. Des experts envisagent même la fin du ski d'ici 2040. Cependant, les acteurs économiques du secteur peinent à accepter la fin de l'or blanc. Beaucoup de stations tentent de retarder l'inéluctable en augmentant le nombre de canons à neige, en remontant les domaines skiables à des altitudes plus élevées lorsque cela est possible, en s’équipant de nouveaux téléphériques, et en orientant les stations vers un modèle de « tourisme quatre saisons », comme le prévoie le plan « Avenir Montagne » publié en 2022. Car, il semble hors de question de tourner le dos à l'industrie de la neige qui génère de nombreux emplois et une activité économique importante dans les régions de montagne. Certaines stations en sont même venues à des mesures extrêmes afin d’assurer une « garantie neige » à leur clientèle. En 2020, un hélicoptère avait largué 50 tonnes de neige pour recouvrir une piste en bas du domaine de Luchon-Superbagnères, dans les Pyrénées.
Comme l'a souligné Philippe Bourdeau, professeur à l'Institut d'urbanisme et de géographie alpine de l'université Grenoble-Alpes, dans le magazine Ça m'intéresse : « l'enjeu actuel est de sortir de la dépendance au tourisme ». Une coopérative a repris et rouvert la station du Puigmal dans les Pyrénées-Orientales, fermée depuis 2013. Elle a réduit les investissements dans ses infrastructures pour diminuer les coûts en cas de pénurie de neige. Désormais, la glisse n'est plus qu'un moyen de maintenir l'attrait de la station, au profit d'activités alternatives telles que le ski de randonnée, les balades à pied ou en raquette. Cependant ce modèle demeure fragile sans se « désintoxiquer » du ski, et les banques rechignent à soutenir de tels projets. La création d'un tissu économique et social indépendant du tourisme de masse dans les régions, avec des services de santé, des écoles, des transports en commun et des commerces permanents, parait encore comme un véritable Everest à escalader.