
ARCHEOLOGIE DU DEUIL
Jennifer Kerner, archéologue, préhistorienne, autrice et Fontenaysienne, publie le 5 octobre, aux éditions Gallimard, un récit de voyages archéologiques : Le mari de nuit, expériences du deuil et rites funéraires.
Une vocation précoce. Bien avant d’être Dr Kerner, Jennifer aspirait à être archéologue et romancière, dès 5 ans. Puis ce fut le théâtre à 10 ans. « Je suis devenue comédienne, raconte-t-elle. J’ai tourné avec Michel Gondry, Alice Vial… Je faisais à la fois du théâtre, du cinéma, de la télévision. »
Mais après la mort de son compagnon, décédé d’une overdose, elle s’éloigne de Paris et entreprend un grand périple en Inde, se rendant sur des sites archéologiques. Et ce voyage de deuil est un retour à sa prime vocation. « Quand je suis revenue, je me suis inscrite à Panthéon-Sorbonne en archéologie; puis j’ai obtenu un doctorat, spécialité archéologie funéraire. Ma thèse portait sur les Manipulations post-mortem du corps humain, et couvrait la période allant du paléolithique jusqu’à la première guerre mondiale. J’étudiais à la fois les implications archéologiques et ethnologiques. J’ai à nouveau beaucoup voyagé pour écrire ma thèse. J’ai vécu en Chine, où j’ai d’ailleurs été embauchée en post-doc, puis au Brésil, ainsi qu’à Madagascar. Là-bas, j’ai étudié le famadihana, rite de retournement des morts. »
Le mari de nuit retrace ses longues années de recherches et d’expéditions, reconstitue le passé morcelé en une odyssée littéraire alliant l’intime à la rigueur scientifique (pour autant jamais jargonneuse). Un texte hybride, mêlant habilement vulgarisation et récit de voyage, comprenant même en son sein une courte nouvelle, comme si la fiction parvenait toujours à creuser son trou. « C’est un ouvrage au long cours, poursuit l’autrice. C’est quinze ans de deuil et de fouilles archéologiques. » Quoique l’histoire d’un deuil traverse le récit en filigrane, « ce n’est pas un livre cathartique », souligne Jennifer Kerner. Une question profonde et cependant très concrète sous-tend l’ouvrage : comment entretenir le souvenir ?
LE CHEMINEMENT DE LA RECONSTITUTION
L’autrice aime à rapprocher littérature et archéologie, l’écriture pouvant être une exploration équivalente à des fouilles. Un sujet qui lui tient à cœur, et dont elle a fait une conférence TEDx. « Lorsqu’on écrit, dit-elle, on part de petites émotions et on fouille dans nos souvenirs pour développer et reconstituer une histoire cohérente, une narration. » Selon Paul Valéry : « Les bons souvenirs sont des bijoux perdus. » (cf. Mauvaises pensées et autres). Et Proust lui-même n’a-t-il pas intitulé son grand œuvre La Recherche ? Comme elle l’évoque dans son livre, sa passion pour la littérature lui vient de son grand-père, qui lisait tout. En matière d’écriture, ses prédilections sont d’ailleurs éclectiques : « J’aime beaucoup Olivia de Lamberterie et j’ai un amour immodéré pour Joan Didion. Elle fait partie de mon panthéon littéraire, avec Simenon. » Outre Le mari de nuit, Jennifer Kerner a écrit d’autres livres : Lady Sapiens, aux éditions Les Arènes, essai tiré d’un doc réalisé pour France 5, sorti en poche fin septembre ; et son premier roman qui paraîtra courant 2024. « Mon amour pour l’Histoire restera une part importante du livre », annonce-t-elle. En parallèle, l’archéologue co-présente avec Philippe Charlier la nouvelle saison de la série L’Histoire au scalpel, diffusée sur France 5. Le premier épisode se passera en Caroline du Nord. Comédienne, écrivaine, préhistorienne, Jennifer Kerner marie parfaitement ses multiples facettes.
[+] D’INFOS : Jennifer Kerner dédicacera Le mari de nuit à la librairie Mot à Mot, le 18 novembre à 17h.
Chaîne youtube : bonelessarcheologie
Instagram : @dr.jenniferkerner (pastilles d’archéologie et de littérature)