HISTOIRES CHILIENNES

Septembre 2023

Histoires chiliennes

Tout au long de 2023/2024, la ville célèbrera les liens qui unissent le Chili et Fontenay, terre d’accueil pour de nombreuses familles ayant fui la dictature. L’Histoire donne lieu à des rencontres singulières, comme celle de Veronica et Giorgio ( à droite sur la photo)…

1985. Pinochet est au pouvoir depuis 12 ans. Douze ans d’assassinats, de tortures, de disparitions, d’arrestations arbitraires. Veronica Rojas Enei et sa famille ont fait partie de ces nombreux réfugiés politiques. « Je suis arrivée en France avec ma mère et mes frères jumeaux, dans le cadre de la réunification familiale, par le biais des Nations Unies. Mon père et mon oncle, gouverneur d’une région du Nord du Chili et proche d’Allende, étaient radicaux de gauche. Mon oncle était parti bien plus tôt. Et mon père en 1983. »

FONTENAY

Après un mois passé au centre de Puteaux, Veronica et sa famille rejoignent la Mission de France — devenue la Maison du citoyen et de la vie associative. « Nous avons été accueillis le soir-même par Leyla [Guzman] et sa maman, se souvient Veronica. Il y avait une chaleur familiale…Beaucoup d’autres enfants étaient au foyer. Et le cadre était magnifique. C’était comme une grande colonie de vacances. Nous avions un chef cuisinier, une assistante sociale, Luz Helena, et sa responsable, Natalie Gruer. Luz Helena, venue de Colombie, était elle-même passée par le foyer comme réfugiée politique avec ses deux enfants. » 

Veronica se rappelle combien Louis Bayeurte, alors maire de Fontenay, Jean-François Voguet et le Dr Wattel, le médecin du foyer, étaient présents au quotidien. Parmi les photos du foyer que Veronica conserve, on voit sur l’une d’elles un groupe d’enfants tout sourires. On reconnaît Veronica. « Et là, ce petit garçon, indique-t-elle, il est devenu “médecin du peuple” (“doctor del pueblo”) au Chili. C’est Luis Astudillo Peiretti. Mon père était très ami avec son père. » Le Dr Astudillo est aujourd’hui réputé pour sa clinique mobile et les soins gratuits qu’il dispense.

« J’ai été scolarisée à Jean-Macé dans une classe pour non-francophones, poursuit Veronica. Cela a été difficile, car c’était l’évidence que je ne retournerai pas au pays. »

SANTIAGO

Né en 1969, Giorgio Enei a passé son enfance et une bonne partie de sa jeunesse sous la dictature. Son père, ingénieur commercial de formation, était trésorier principal de l’Université du Chili. « Nous habitions à 500 mètres de la maison d’Allende, explique Giorgio, et je me souviens que mon père, au moment du coup d’État, mettait des matelas sur les fenêtres en raison des coups de feu. Mis à part le couvre-feu qui a duré des années, nous avons pu vivre presque normalement. » Plus tard cependant, Giorgio ressentit la tension du climat : « J’étais à San Juan Evangelista, école réputée subversive, et la police venait régulièrement nous contrôler; en particulier le lundi, jour où l’on devait chanter l’hymne national et hisser le drapeau. » 

FONTENAY DU CHILI

Vers 23 ans, pour « faire la paix » avec son pays, Veronica retourne vivre au Chili, alors libéré de la dictature (Pinochet céda le pouvoir en mars 1990, mais demeura commandant en chef de l’armée jusqu’en 1998). « Veronica et moi, nous nous sommes connus à Santiago en 1998 grâce à une amie commune, relate Giorgio. Nous nous sommes mariés en 2001. Le prêtre hollandais qui nous a mariés était d’ailleurs le directeur de mon école. Un an après, j’ai rejoint Veronica en France, à Fontenay. Mais j’ai encore toute ma famille au Chili. »

Veronica travaillait déjà au sein de la mairie, ayant été animatrice avant d’être agente au centre communal d’Action sociale — CCAS qui aida Giorgio à s’insérer professionnellement. Informaticien de formation, il a été recruté à la DSI de la ville. « J’aime Fontenay, dit Veronica. J’y ai tous mes repères. Quand Giorgio est arrivé, il a appris à l’aimer lui aussi. »« Fontenay est une grande ville, confie-t-il à son tour. Grande par le cœur. »